Peinture, ombres et lumière

De la peinture à la vidéo

La première expérience d'échange entre la peinture et la lumière naturelle avait eu lieu dans la commande publique au Lycée de Senlis en 1993, où j'avais créé une horloge solaire au sol, les lais de lumière provenant des baies vitrées rejoignaient le tracé des fenêtres sur le sol, symboliquement à 17H, l'heure de la sortie, et au mois d'Août, pendant les vacances. Métaphore de la perception du bonheur toujours en décalage par rapport au présent volatile, déjà passé ou encore futur :« ah ce que j'étais heureux en ce temps-là... ah, ce que je serai heureux quand j'aurai mon Bac », mais le bac arrivé déjà un autre projet de bonheur futur annihile sa présente jouissance).

 

C'est en 2000 que j'ai commencé à travailler sur la transparence des toiles, jusqu'à en rechercher de moins en moins opaques, pour que le châssis soit visible à travers.

 

Depuis « Histoire d'une ligne », commande publique de 2004, (pour la Fondation « Art Dialogue », sous l'Égide de l'Institut de France), ma peinture a pris goût à prendre l'air, et les ombres du dehors : j'avais alors joué avec les ombres des réverbères, des arbres, tirant des photographies préalables des espaces dédiés aux peintures dans la ville de Yerres, pour voir le cheminement des ombres sur le plan des murs afin de réserver les vides sur la toile qui les accueillerait.

 

En 2006 et 2007, dans la manifestation "le Génie des Jardins", les toiles étaient emballées de film alimentaire transparent par le sculpteur Jean Chazy, au sein de projets communs où le tableau jouait à cache-cache avec le cheminement de la lumière et des reflets tout au long du jour. L ’approche du spectateur brouillait la toile et le tableau n’était pénétrable que par les intermittences capricieuses du soleil

 

La photographie n'était utilisée jusqu'ici qu'à titre instrumental pour les peintures, ou bien comme une pratique séparée ; dès 2005, l'appareil photographique braque les ombres, transparences et reflets.

 

En septembre 2008 commence le travail à la bombe, une série de peintures intitulée « Pour regarder le soleil en face » avec de la toile blanche transparente, sur des châssis de 200 cm sur 200 cm que j'ai fait fabriquer sans les éléments centraux verticaux et horizontaux, avec des équerres qui maintiennent fixement le carré en place, pour que le tableau ressemble en transparence à un écran.

 

Destinées à être exposées dans des Jardins, les motifs étaient fabriqués aux pochoirs en volumes d'éléments naturels, feuilles, végétation diverse.

 

Parallèlement, je prenais dans mon jardin ou devant mes fenêtres des photographies de toiles travaillées de traces blanches, avec ombres chinoises de végétation ou instruments à jardiner, grillages…

 

Très vite l'échange s'est fait entre photographies et peintures, et l'objet du quotidien est venu se mêler au végétal dans la peinture,

Ombres-empreintes fantomatiques, spectrales, présence-absence de l'objet vu en creux, comme radiographié.
La lumière qui s'insinue, changeante, démultiplie un monde bientôt fossilisé, un présent en danger de mort.

C'est pendant la réalisation de cette série de peintures que mon ombre reflétée sur la toile presque encore vierge me donne l'idée d'une nouvelle série de photographies sur le thème du Tango, intitulée « Ombres Chinoises ».

 

A partir de ces photographies, je réalise un court métrage de 4mn, en composant une musique de tango, collages sonores d'échantillonnages (« samples ») de mes tangos préférés, de ma voix (chant et bruits de corps, cris, rires, éternuements…).

 

Dans « Ombres Chinoises », je systématise le diaporama d'images fixes à différents rythmes, déjà présent dans « Comment il a fait … », en hommage à mon film préféré, « La Jetée » de Chris Marker.


2009 : « Made in China »

 

Il s'agit d'une installation composée d'un tableau de 200 cm sur 200 cm, avec de la toile transparente sur des châssis fabriqués sans les éléments centraux verticaux et horizontaux, avec des équerres qui maintiennent fixement le carré en place, pour que le tableau ressemble en transparence à un écran, et en fasse office, d'une double façon : soit en ombres chinoises d'un corps en mouvement derrière le tableau, soit par projection de film sur le tableau.

 

L'installation doit être le réceptacle d'une performance théâtrale qui suppose :

 

A) le tableau-écran

 

B) une vidéo projetée en continu ou

 

C) une improvisation théâtrale en ombres chinoises derrière le tableau.

 

 

 

Le thème du tableau « Made in China » est « Jeux et jouets ».

 

Le tableau est peint avec les 5 couleurs des 5 anneaux olympiques, rouge, vert, noir, jaune, bleu.

 

Peint au sol tout autour sans tenir compte de la verticalité traditionnelle, son sens est lisible de tous les côtés, les figures se juxtaposent et se superposent au bord du tableau, comme si le couvert était mis sur la table pour déjeuner. Ainsi il trouve aussi sa cohérence en étant posé horizontalement sur le sol (*) en dehors du temps des projections.

 

 

 

Des Jeux Olympiques aux jouets d'enfants, ces hauts lieux de la transmission des valeurs, les représentations symboliques et culturelles s'échangent d'ici à là-bas, et de là-bas à ici, par le biais du commerce des jouets et la mondialisation des media visuels. Les objets que j'ai utilisés sont disposés comme des écritures hiéroglyphiques dont les paradigmes sont identifiables mais la syntaxe nous reste mystérieuse. Seul indice de lecture, la disposition de la table mise tout autour du carré en signe de convivialité et d'échanges frontaux. En outre les connexions entre les lieux et les choses semblent se faire aussi latéralement par ces empreintes de fils USB qui improvisent des connexions ludiques.

 

Ce sont presque tous des objets fabriqués en Chine, et achetés en France

 

 

 

Une insistance visible sur les objets toxiques qui ont fait scandale dans la presse : les couverts en plastiques au péroxyde d'urée (potentiellement toxique quand il est chauffé) et les poupées Barbie à la peinture de plomb, ses accessoires aux aimants meurtriers.

 

 

 

Nos petits soldats de plomb jouent à la guerre avec Batman, et des alignements similaires de toutes sortes de volailles, tous arrangés en collections comme outils pendus au mur d'un établi, évoquent leur instrumentalisation dans le grand jeu international du commerce et de la dévoration mutuelle et aléatoire des puissances.

 

 

Ne se met-on à table pas seulement pour déjeuner, mais aussi pour les jeux appelés « de société », dans lesquels les figures simples et identiques se déplacent sur leur socle en armées rangées et avancent, identifiables aux parties opposées uniquement par leur couleur en effigie (semblables aux pions de la plupart des jeux de société –Monopoly, Petits Chevaux, jeu de l'oie, etc. – où ils évoluent sur un support-plan quadrangulaire.)